DOSSIER 18 CANICULE ÉTANCHÉITÉ . INFO #78 JUIN- JUI LLET 2023 Dans le tertiaire, le décret « Éco énergie tertiaire » impose des niveaux de réduction de consommations énergétiques certes progressifs mais importants. Or, comme le rappelle Karine Jan, responsable du service bâtiment durable au Cerema, « dans les ouvrages de bureaux, les vitrages sont souvent très présents. Ils laissent pénétrer une forte quantité de chaleur. Pour la compenser, la climatisation est mise en route. Aujourd’hui, il va falloir faire évoluer la conception de ce type de bâtiments et envisager des corrections sur les bureaux existants pour maîtriser les consommations de climatisation ». Et donc trouver d’autres solutions. Heureusement, elles existent. Elles ne peuvent pour autant pas être considérées individuellement. Leur pertinence et leur efficacité sont aussi liées à leur association intégrée dans un contexte de conception globale de l’ouvrage. Ainsi, dès les premiers plans, l’orientation du projet prendra en compte son exposition au soleil qui influera sur le positionnement des fenêtres dont le nombre et/ou la taille seront étudiés et les surfaces occultées si nécessaire. I NERT I E ET I SOLAT I ON « Deux autres critères majeurs sont à considérer, explique Rémi Perrin, directeur de la R&D chez Soprema. Le premier, c’est l’inertie thermique des matériaux mis en œuvre », soit leur capacité à emmagasiner de la chaleur ou de la fraîcheur et à la restituer ultérieurement, de façon progressive et diffuse. Le béton sera donc ici plus efficace que les matériaux plus légers comme le bois et l’acier. Néanmoins, une étude réalisée pour la Chambre syndicale française de l’étanchéité (CSFE) par le bureau d’études Pouget Consultants a démontré que, quel que soit le mode constructif de structure, le nombre de DH ne dépassait pas le seuil haut de la RE2020, sauf sur le pourtour méditerranéen (zone H3). À noter que l’association de matériaux peut également en améliorer les performances. « Nous avons observé sur notre nouveau centre de R&D de Saint-Julien-du-Sault, que rapporter une dalle béton sur un élément porteur en bacs acier améliorait l’inertie du bâtiment », ajoute Rémi Perrin. La présence de cloisons, de parois ou de murs de refend à l’intérieur jouera également. Le deuxième, c’est l’isolation de l’enveloppe qui protège du froid mais aussi du chaud. Mais attention à positionner l’isolant au bon endroit ! En bloquant les flux thermiques, une isolation par l’intérieur empêche la paroi lourde de jouer son rôle de régulateur. L’ITE sera donc privilégiée… sans en faire trop non plus : la surisolation peut s’avérer contreproductive en empêchant l’air chaud Peindre les toits en blanc : la fausse bonne idée ? ENTRET I EN AVEC GÉRALD FAURE , PRÉS I DENT DE LA CS F E ÉTANCHÉ I TÉ . I NFO La CSFE se positionne clairement contre les solutions de peinture appliquées sur la membrane d’étanchéité des toitures-terrasses. Pourquoi ? GÉRALD FAURE Elles font beaucoup parler d’elles ! Ces dernières semaines, nous constatons la multiplication de communications trompeuses dans des publicités et dans des textes réglementaires, relayées sur les réseaux sociaux. Par exemple, on peut lire dans le rapport «Paris 50°C» : « Repeindre les toits en blanc est une solution simple et à portée de main qui constitue un tournant radical dans notre prise de conscience collective d’une adaptation au changement climatique…» ou encore «La peinture blanche est une solution simple et efficace de sobriété énergétique »… Elles ont été mentionnées dans le projet d’amendement n°2081 article 11 quater B de la loi sur l’accélération de la production d’énergies renouvelables. Nous avions alerté les parties prenantes et il n’a finalement (et heureusement) pas été adopté. Si nous adhérons au fait que les toitures à forte réflectivité peuvent être efficaces dans certains cas (voir article p. 21), elles doivent être réalisées dans les Règles de l’art, c’est-à-dire avec la mise en œuvre d’un procédé d’étanchéité réflectif prévu pour cet usage. E . I . Quels sont les risques encourus avec ces peintures ? G . F. Appliquées sur une membrane d’étanchéité, elles sont susceptibles de mettre en péril l’étanchéité à l’eau, l’isolation et par conséquent la sécurité des ouvrages. En effet, il n’est pas démontré que la peinture et le revêtement d’étanchéité sont compatibles. La protection aux UV, le revêtement en paillettes d’ardoise peuvent être dégradés. En plus d’un risque accru de fuite, ajoutons que le classement au feu BRoof (t3) n’est plus garanti alors même qu’il est exigé par la réglementation incendie pour la grande majorité des ouvrages. Sans compter l’encrassement inévitable de la toiture en l’absence d’un nettoyage régulier de la toiture qui impactera la performance des propriétés réflectives. De plus, dans la quasi-totalité des cas, la pose de peinture sur une membrane d’étanchéité n’est pas reconnue comme une «technique courante» (absence de NF DTU, de Règles professionnelles acceptées par la Commission Prévention Produits (C2P), d’Avis technique en liste verte ou d’ATex favorable). Par conséquent, la couverture automatique par l’assurance décennale n’est pas garantie. A contrario, les mises en œuvre de revêtements d’étanchéité réflectifs, majoritairement reconnues comme des «techniques courantes», sont, elles, bien couvertes. E . I . Comment faire pour encadrer les pratiques ? G . F. Un rapport gouvernemental a été commandé. Nous nous tenons à la disposition des auteurs, et notamment du ministère de l’Écologie, pour participer aux débats et rappeler que ces interventions sur l’enveloppe du bâtiment sans validation préalable ne sont pas sans risque pour son intégrité. Il faudrait également rédiger une norme européenne pour mesurer l’indice de réflexion solaire du cool roof après encrassement. Car la performance d’un procédé constructif n’est pas utile si elle ne dure pas. Pour toutes ces raisons, nous avons alerté les parlementaires sur les conséquences inquiétantes des propositions répétées de généraliser cette pratique. Nous avons, pour le moment, été entendus dans le cadre du projet d’accélération des énergies renouvelables. La CSFE s’impliquera également sur les travaux de normalisation pour définir les mesures de l’indice de réflexion solaire après encrassement.
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